Hôtel Philippoz

HÔTEL PHILIPPOZ, I - TRACES
MATHIJS VAN GEEST (NL/NO), DICO KRUIJSSE (NL), DAPHNÉ ROULIN (CH)
24-25.08.2013


(English below)
Le premier événement de l'Hôtel Philippoz, appelé « Traces », a réuni Matthijs van Geest, Dico Kruijsse et Daphné Roulin. Au terme de 5 jours intenses de préparation, et grâce à leur motivation sans faille, les artistes ont produit des travaux de grande qualité, liés à l'environnement physique de l'appartement (sa transformation matérielle) et à son histoire.

Au cours d'une conversation préparatoire à l'exposition, Mathijs van Geest avait exprimé son souhait de mouler des sculptures en aluminium, un matériau qu'il affectionne et qu'il savait être lié à l'histoire de ma famille (mon grand-père, mon oncle et mon père ont travaillé à l'usine Alusuisse de Chippis). Le dessin et les sculptures en aluminium « She overheard a conversation » font écho aux repas de midi partagés avec ma famille dans une langue inconnue, ainsi qu'à la cuisine comme lieu d'échange. La forme « a », récurrente dans le dessin et les sculptures, représente de manière physique un flux de paroles. Cette pièce très subtile est un mélange savant entre les envies de l'artiste (travailler avec de l'aluminium), son histoire personnelle (les discussions avec sa grand-mère), l'histoire du lieu (les discussions qui ont eu lieu dans cette cuisine) et de ses protagonistes (la relation de ma famille à l'aluminium).
Dans une pièce vide, a moitié détruite, résidu de cuisine, sont posées de petites sculptures d'aluminium que l'on reconnaît être des « a » si l'on s'y attarde ; ces lettres, de facture irrégulière, deviennent le symbole de l'histoire sociale de la pièce, de petits monuments à un élément immatériel : les conversations.

Daphné Roulin a transformé l'armoire-secrétaire du salon en un sorte de cabinet de curiosités. En découvrant le premier jour de son séjour un set de pyrogravure dans les affaires de mon père, Daphné a d'abord brûlé sur de petites tranches de bois la ligne des montagnes environnantes qui, une fois tournés à la verticale, dévoilent le profil d'un visage. Daphné a su transposer son intérêt récent pour les fantômes et les grigris sur le meuble ancien ; agrémentés de velours rouge, les tiroirs subliment une série d'objets glanés dans et autour de l'appartement : des clés, des pierres, un bout d'os et un morceau de marbre, qui acquièrent ainsi le statut particulier d'objets précieux. Sur les étagères du meuble, éclairés par l'arrière à l'aide d'une lampe torche étaient présentés quatre masques produits par Mathijs, Dico, Daphné et moi-même pour une fête masquée ; improvisés à l'aide de matériaux à disposition dans l'appartement (le sagex imitation bois du plafond, du câble électrique, un pansement, etc), les masques prenaient une dimension mystérieuse grâce à l'installation. Daphné a aussi pyrogravé un grand motif de corps sans tête dans la partie gauche de l'armoire, un très beau travail dont le public a apprécié la réalisation obstinée. Ce meuble massif révélait ses secrets au public de manière simple, tout en restant mystérieux ; une aura fantomatique entourait cet objet central, titré « Madame et les présences ».

Il était très intéressant de voir évoluer les constructions de Dico Kruijsse durant les quelques jours de préparation : muni d'une perceuse-visseuse et d'un paquet de vis, il a reconstruit des objets à partir des matériaux de construction à disposition dans et autour de l'appartement. La terrasse qui trône devant l'appartement a une histoire un peu particulière : les voisins qui avaient débuté la construction d'une maison se sont arrêtés à son socle ; si bien que le quartier est occupé depuis 50 ans par une terrasse en béton décrépi, sorte de moignon inutilisé. Pourtant, par sa nature, cette terrasse constitue un socle parfait pour y exposer des sculptures. Dico a su exploiter cette qualité et s'est approprié le lieu en y accumulant des objets et des sculptures. L'ajout d'un tapis d'herbe synthétique et d'un palmier un peu chétif a donné à l'installation le goût d'un paradis qui ne tient pas ses promesses : sous un lampadaire cassé, juché sur le socle d'une maison qui n'a jamais vu le jour, un mobilier récent mais déjà vieux est posé sur de l'herbe qui n'en est pas. Le sentiment de vacances qui ont mal tourné. Une espèce de faux espace privé est transposé à l'extérieur ; son « mobilier » est chargé de l'histoire des matériaux qui le composent : une histoire mélangée, recomposée, revissée, comme si l'on écrivait un nouveau texte avec les mots d'un vieux discours.

Le résultat de la résidence a été dévoilé lors d'un vernissage le samedi 24 août 2013. Malgré le temps pluvieux et la situation excentrée de l'Hôtel, trente personnes ont assisté au goûter/vernissage, dont une moitié de personnes liées au milieu de l'art contemporain valaisan, et une autre moitié de villageois-es, amis et connaissances, dans une ambiance conviviale. En plus du goûter prévu par nos soins, quelques personnes ont spontanément amené de délicieux gâteaux et du vin. Le dimanche 25, l'exposition a ouvert de 14h à 18h, accueillant à nouveau une trentaine de personnes, une fois de plus bien réparties entre villageois-es et acteurs du milieu culturel, dans un flux continu et régulier. Les réactions des visiteurs ont été positives et intéressées, et une visite guidée de l'exposition était proposée systématiquement.


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HÔTEL PHILIPPOZ, I - TRACES
MATHIJS VAN GEEST (NL/NO), DICO KRUIJSSE (NL), DAPHNÉ ROULIN (CH)
24-25.08.2013


Thanks to the incredible energy of the artists, the first event at Hôtel Philippoz was a success, both in artistic and social terms. In only five intense days of preparation, Mathijs van Geest, Daphné Roulin and Dico Kruijsse produced a large amount of works that echoed – each in their own way – the environment of Hôtel Philippoz, may it be the physical and material changes at play in the flat or the family history linked to it.

In addition to a series of drawings influenced by his time at the residency, Mathijs van Geest casted aluminium sculptures over the week. His work "She overheard a conversation" is made of 7 aluminium objects placed on the (former) kitchen floor and a drawing showed in the living room, which depicts two characters separated by "a" letters. The aluminium sculptures' shape recall the letter a and materialise the volume of conversations that once were part of the kitchen. This very delicate piece is the intricate result of the artist's interest in casting, the social history of the place, my family's link to aluminium (my grandfather, uncle and father worked at the local aluminium factory, sustaining the rest of the family) and Mathijs' own memories of the conversations at his grandmother's kitchen.

Daphné Roulin's piece "Madame et les présences (Ms. and the presences)" follows her recent research on ghosts and fetishes. Daphné used my grandmother's wooden closet (the only piece of furniture left in the flat) and turned it into a cabinet de curiosités. She used pyrography to draw mountain ridges on small pieces of wood that show faces when rotated vertically. On the shelves, backlighted by torches, were displayed the four masks that each of Daphné, Dico, Mathijs and myself produced with scrap materials found in the flat (fake wood-printed Styrofoam, electric wire and plasters). The drawers, covered with red velvet, turned found objects into precious talismans: golden keys, a few rocks, a piece of bone and a section of marble. A pyrographed headless body brought a final enigmatic tone to the closet and the rest of the living room. The fine pyrographed drawings involved a durational aspect to the work that blurred the exact history of the object, which further added to its aura.

Armed with an electric drill and a pack of screws, driven by an amazing building energy, Dico Kruijsse created sculptures out of scrap construction materials he found in or outside the flat.
In front of the house sits a large concrete platform, which history is quite peculiar : a neighbour started to build a house 50 years ago but never finished it. Only the base was completed. It remained untouched since, dividing the street in a rather awkward configuration. Nevertheless, this terrace naturally constitutes a perfect socle to exhibit sculptures. Dico exploited that particularity and appropriated the space by displaying both the objects he built from scrap materials and additional elements (synthetic grass carpeting and a stunted palm tree). Over the week, a very interesting environment developed on the terrace, under the broken public lamp: a place too rickety to be a true paradise. Something of a failed holiday. A private space relocated outdoors, standing on the base of an unfinished house; new "furniture" built with old materials arrayed on fake grass. Each piece of scrap used in the sculptures carried their own history: mixed, recomposed, screwed together, they created a new history, like words coming from different sentences assembled to produce a new text.

The result of the residency was revealed to the public on Saturday, the 24th of August 2013. Despite rain and the lack of public transports to the Hôtel, thirty people assisted the goûter/vernissage, representing both the local contemporary art scene and village people. Friends and neighbours brought homemade cakes and wine for the buffet. On Sunday the 25th, the exhibition opened from 2 till 6pm and guided tours were offered to thirty more village and contemporary art visitors.